Les mystères d’Éleusis faisaient passer tout initié par une
regressio in utero. Ils plongeaient celui-ci dans un sommeil artificiel à l’aide de drogues, en l’ayant auparavant placé au fond d’un antre, recouvert de terre. Ils faisaient ainsi perdre à l’initié sa conscience banale, afin qu’il acquière une conscience cosmique, premier stade avant l’acquisition d’autres consciences, humaine puis supérieure. L’alchimie a longuement décrit les processus de mutation d’une âme en invitant celle-ci à passer par une putréfaction d’elle-même afin de se purifier et de se transformer en or. Le passage de la chenille au cocon et du cocon au papillon, celui de la pomme pourrissant avant de donner cidre puis alcool ont servi d’illustrations naturelles à nombre de leçons spirituelles.
Il y a de la putréfaction alchimique à l’œuvre dans le Grand Œuvre de Pierre Minot et de Gilbert Gormezano. Un alcool de vie au travail, un papillon dans les limbes. Des limbes terreuses et terriennes, dans une terre ressemblant à une peau qu’une vie souterraine déchirerait afin de pouvoir surgir au grand jour. Mais il y a plus.
Là où beaucoup d’artistes contemporains s’arrêteraient, afin de profiter du pouvoir de noire magie que toute violence médusante procure, eux ont l’audace d’aller au-delà, afin de dire, sur un ton sans aucune concession à un quelconque
happy end, qu’il y a autre chose que la noirceur. La positivité crédible et accomplie n’est pas négation évitée, mais négation assumée jusqu’au bout. La véritable provocation lui ressemble. Elle n’est pas l’énergie avortée de la violence stérile, mais la mise en lumière de l’énergie créatrice contenue dans le jaillissement de la vie, provocation voulant dire, ne l’oublions pas, mise en avant, mise en lumière.