La terre a besoin du ciel. Un réel qui ne libère pas, un réel qui n’a ni ouverture ni avenir, emprisonne. Une profondeur qui n’a pas de hauteur, une profondeur que rien n’élève, devient obscure. Et l’on sait que l’on n’est pas obscur parce que l’on est profond ni profond parce que l’on est obscur.
La terre prend ainsi sens d’être une terre pour un ciel. Et le ciel prend sens d’être un ciel pour une terre. Cela permet de comprendre pourquoi la nature fait sens, pourquoi l’univers n’est pas muet. Du fait de la présence du ciel et de la terre, rien n’est isolé. Tout est relié. Tout fait signe. Tout parle d’une générosité primordiale.
La terre et le ciel sont le fond de tout le travail de Pierre Minot et de Gilbert Gormezano. On assiste plus exactement à une descente dans la terre et ses profondeurs, puis à une remontée vers le ciel et ses hauteurs. Ce parcours dit nos vies quand elles vivent ce qu’elles sont appelées à vivre. Un lent éveil. Un bel éveil. D’abord un monde de la mort. Un monde sans terre. Un monde de la « désaffection ». Un monde sans affection, dévasté, délaissé, abandonné, dans la détresse absolue. Puis un éveil à la terre. Une terre convulsée. Une terre des débuts du monde. Une glaise. Une argile. Une roche dure et âpre. Une roche ouvrant sur des gouffres. Des crevasses. Des anfractuosités. Des gorges avec des rivières et des secrets. Puis, une terre de plus en plus libérée. Une terre des cimes. Une terre des forêts profondes parfois aussi. Une terre des lacs et des eaux transparentes. Et avec cette terre, un ciel, le ciel se dégageant au fur et à mesure que la terre se dégage d’elle-même.
Nos vies sont comme ces vies sans terre, puis ces terres qui voilent des ciels avant de les dévoiler et de prendre tout leur essor de terre. Au commencement elles vivent dans l’absurde, la désolation et la déréliction. Puis, peu à peu, elles s’ouvrent au réel. Un réel sans liberté avant que ce réel ne devienne le réel de la liberté elle-même.
Étonnante métamorphose de l’absurde en liberté. Combien d’artistes osent le dire aujourd’hui ? Combien de penseurs ? Que d’œuvres font le trajet inverse en quittant le ciel pour plonger dans la désaffection.