Par Thierry Depaulis
Comme si le jeu de cartes ne suffisait pas à étancher la soif de nouveauté, voilà qu’émergent les premières loteries, jeux d’argent où l’on parie sur la sortie d’un ou plusieurs numéros tirés au sort. Presque simultanément, à Bruges et dans d’autres villes flamandes, mais aussi à Milan, nous voyons apparaître vers 1440 une forme raffinée de pari et de tirage au sort avec redistribution, baptisée lotene ou lootinghe en Flandres, ventura ou fortuna en Lombardie. De Bruges, le jeu se répand vite dans les Pays-Bas bourguignons. Les pays de langue allemande ne sont pas épargnés : des Glückshäfen ("urnes de la chance") y fleurissent à Munich, Augsbourg, Strasbourg, Nuremberg, dès la deuxième moitié du XVe siècle. Mais les grands centres urbains de l’Italie, ceux qu’un actif commerce lie aux ports flamands, ne sont pas en reste : à Milan s’ajoutent Recanati (1462), Ferrare et Modène (1476), puis Venise. Avec l’entrée en lice de Venise, en 1504, le jeu prend le nom de lotto (lotho della Segnoria), qui trahit nettement les apports venus du Nord de l’Europe. En France, c’est sous le nom de "blanque"(de l’italien bianca, "blanche ") que, par Lyon, le jeu s’introduit dans le royaume au début du XVIe siècle. En mai 1539, François Ier autorise l’établissement d’une loterie dans le royaume et institue Jean Laurent "maistre et facteur de ladicte blancque". Le nouveau jeu a ensuite un parcours épisodique, d’autant que les corps constitués – parlements, consulats municipaux, Conseil d’État – s’y opposent fréquemment. Toutefois, en 1644, Mazarin décide de favoriser la création d’une "blanque royale". Avec Louis XIV, le mot "loterie ", venu de Hollande, s’impose ; les loteries "royales" se multiplient alors, malgré la méfiance des parlements. Les grandes loteries "nationales" attendront le XVIIIe siècle