arrangements
      
      
       
        Les arrangements d'objets forment dès le XIXe 
          siècle, un des multiples avatars de la nature morte. De celle-ci, 
          ils gardent l'idée que la disposition des choses doit, par sa 
          cohérence et son harmonie, flatter l'œil. Mais bien souvent ils 
          répondent à des visées précises, en particulier 
          commerciales. 
       
      
       
        compositions à visée commerciale
        
       
       
        
         La composition diffusée au début des années 
          1850 par une Mme Duetz évoque la pratique 
          de l'aquarelle : sont disposés parmi les fleurs, la boîte 
          de couleurs, le verre, le pinceau, le tabouret et même le chapeau 
          de paille de l'artiste. Un tableau évocateur destiné sans 
          doute à servir de modèle aux dessinateurs en chambre. 
          Plus directement mercantile le magnifique album réalisé 
          par Briquet en 1862 pour le fournisseur de matériel de l'armée 
          Alexis Godillot. De la page de titre au dernier feuillet sont présentés 
          avec un ordre et une symétrie tout à fait militaires les 
          accessoires disponibles, depuis la petite cuillère jusqu'au fusil 
          en passant par les bottes, les épaulettes et les piquets de tente. 
          Chaque objet est numéroté et sa légende calligraphiée, 
          une règle graduée donne l'échelle. On est face 
          à l'ancêtre des légendaires catalogues de vente 
          par correspondance de la manufacture de Saint-Étienne.
       
      
      
      
       
        
         Les jeux semblent intéresser aussi les photographes 
          du XIXe siècle : de Torbéchet 
          s'amuse à réunir sur la surface réduite d'un format 
          carte-de-visite, d'habitude réservé aux portraits pour 
          albums de famille, des cartes à jouer, dominos, damier, pions 
          et dés anticipant en cela sur les nombreuses compositions du 
          XX e siècle, qui de Sougez à 
          Man Ray, jouent sur le fort graphisme de ces objets. Le jouet peut aussi 
          intéresser un amateur d'art populaire comme l'historien Édouard 
          Fleury qui consacre une étonnante image à d'humbles moulins 
          et crécelles de bois blanc. Enfin l'univers intime et familier 
          de l'enfance, plus tard exploité par les images publicitaires, 
          inspire les amateurs comme cet anonyme qui met en scène un ours 
          en peluche et trois poupées.
       
      
       
        mise en scène des relations entre les choses
        
       
       
         Les photographes modernes ont souvent recours aux assemblages 
          d'objets dans une recherche graphique et/ou poétique, ou en quête 
          d'une forme efficace de langage commercial.
          On peut voir dans la promotion par le Bauhaus du photomontage (combinaison 
          d'éléments photographiques disparates) une des sources 
          d'inspiration possibles de ces photographes, qui, comme Georges Braque, 
          "ne croi[ent] pas aux choses, mais aux relations entre les choses".
          Les photographes appliquent leur quête formelle aux objets du 
          quotidien qu'ils arrangent de manière à faire resurgir 
          des effets de textures, de volumes ou de motifs.
       
      
      
      
       
         Ainsi, la superposition par Raoul Hausmann d'une grille, 
          d'une râpe, d'un fouet et d'une passoire, constitue un travail 
          condensé sur les formes complexes de choses banales.
          D'autres prennent pour base des éléments naturels, comme 
          ces galets dont Man Ray associe, en gros plan, les rondeurs et les nuances 
          de blanc, de noir, de gris.
       
      
      
      
      
       
        
        Dans le cadre de démarches plus subjectives, les 
          arrangements d'objets, fixés par la photographie, sont source 
          de poésie et supports de récits traduisant la mythologie 
          personnelle de l'artiste.
          Paul Schulz saisit ainsi par l'image ses mises en scène cocasses 
          et légères de petits jouets auxquels un cadrage serré 
          donne vie et autonomie.
          Au moyen de quelques objets, tels un gant, un objectif photographique 
          et un flacon, disposés sur un coin de bureau sous les toits de 
          Paris, le surréaliste Maurice Tabard, quant à lui, crée, 
          tel un nouvelliste, une atmosphère étrange digne d'un 
          roman policier.
       
      
      
       
        
        La publicité, enfin, met en place une syntaxe 
          nouvelle, fondée sur des dispositifs virtuoses d'objets, où 
          l'œil du photographe intervient parfois moins que la main de l'opérateur. 
          Susceptibles de traduire l'abondance du marché et la variété 
          infinie des produits ces amoncellements d'épiciers attisent la 
          convoitise des consommateurs.
          À ces effets s'ajoute l'attrait fondamental de la couleur, grâce 
          au développement dans les années trente du procédé 
          de reproduction "301" mis au point et appliqué par les studios 
          publicitaires Draeger. Par leur riche ordonnancement et la vivacité 
          de leur teinte, ces pages s'ingénient à faire forte impression 
          sur le public.
          L'art publicitaire recycle enfin les mises en scène d'objets 
          évocatrices et génératrices d'associations d'idées 
          et d'atmosphères particulières, comme en témoigne 
          une publicité pour chaussures de Pierre Jahan, figurant les souliers 
          d'hommes invisibles conduisant une voiture.
          
          
