Photographier les chemins de fer
par Olivier Loiseaux

Dès l'origine, des liens étroits se tissent entre la photographie et le chemin de fer, tous deux produits de l'âge industriel. Les compagnies ferroviaires ont rapidement compris l'apport et le pouvoir de l'image dans leur stratégie commerciale. Elles font appel à des photographes pour documenter la construction de la voie ferrée elle-même et la réalisation des ouvrages d'art qui permettent de franchir les principaux obstacles naturels et sont autant de victoires technologiques remportées par la compagnie face aux difficultés du parcours. Mais le travail du photographe est également de décrire les curiosités géographiques, les lieux pittoresques, "dignes d'être peints" ou photographiés, en un mot, les paysages qui bordent la ligne de chemin de fer et qui constituent autant d'outils de promotion pour les compagnies ferroviaires. C'est ainsi qu'en France, dès 1855, Édouard Baldus réalise un reportage sur le chemin de fer du Nord - de Paris à Boulogne - puis, en 1859, de la ligne reliant Paris à Lyon et à la Méditerranée.
 

États-Unis

Aux États-Unis, la photographie donne aux compagnies ferroviaires le moyen de faire découvrir aux Américains les beautés de leur vaste pays. La Baltimore & Ohio Railroad Company, l'une des premières compagnies ferroviaires à recourir aux arts visuels et particulièrement à la photographie, a même transformé un train en studio photographique permettant de faire connaître au grand public les paysages traversés par la voie de chemin de fer.
À partir des années 1860, toutes les grandes compagnies ferroviaires américaines s'assureront les services de photographes : Carleton Watkins pour la Central Pacific Railroad, William Rau et Frederick Gutekunst pour la Pennsylvania Railroad, William Henry Jackson pour la Denver and Rio Grande Railroad puis pour la Baltimore & Ohio Railroad, etc. Ces photographies contribuent à bien des égards à lever les réticences du public envers ce mode de transport et à éveiller chez lui le désir du voyage en train.
À l'heure où les voies de chemin de fer raccourcissent les distances et rendent le vaste continent physiquement plus accessible, la photographie, en le rendant visuellement plus proche, contribue à l'essor de l'industrie naissante du voyage et du tourisme.
 

Brésil

Dans les dernières années de son règne, l'empereur du Brésil Pedro II se lance dans une politique de grands travaux. En 1880, à son initiative, est lancée la construction du chemin de fer de l'État de Parana, qui doit relier Curitiba, la capitale, à Paranagua, son principal port. En 1884, l'empereur fait appel au photographe Marc Ferrez pour réaliser un reportage sur la ligne de chemin de fer en cours d'achèvement. Ferrez a déjà répondu à plusieurs commandes du gouvernement : en 1875 il a participé à la commission géologique brésilienne, en 1879 il a documenté le chantier du barrage de Rio de Ouro, en 1880, les travaux d'approvisionnement en eau de Rio de Janeiro et, en 1882, la construction du chemin de fer Principe do Grão Pará. Le tracé particulièrement audacieux de la ligne ferroviaire Paranagua-Curitiba, qui franchit la Serra do Mar, donne l'occasion à Ferrez d'exprimer tout son talent.



En une vingtaine de clichés, le photographe s'attache à montrer la hardiesse des ouvrages d'art qui enjambent les précipices, les difficultés de percement des tunnels, mais également les paysages grandioses que la ligne traverse. Le travail de Marc Ferrez est présenté lors de plusieurs expositions, notamment, pendant son voyage en France, à l'Exposition internationale de Beauvais, en 1885, et en 1887 à Rio de Janeiro pour l'exposition consacrée aux chemins de fer brésiliens.
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