Le baroque dans les jardins de Versailles
Le château et les jardins de Versailles vont occuper Atget tout au long
de sa carrière. La qualité extraordinaire et l’invention
formelle de certaines des photographies des jardins témoignent d'un
goût prononcé pour cette nature dessinée par l'homme du
XVII
e siècle. Dans un souci de comprendre l'œuvre en son entier,
il est nécessaire de mettre cette série en relation avec le travail
d'historien qu'effectue Atget à propos du vieux Paris, celui du XVII
e siècle en particulier. Car comment peut-on expliquer qu’Atget évite
de photographier la rigueur du tracé haussmannien alors qu’il
ne dédaigne pas représenter les lignes géométriques
de Le Nôtre ? De plus, si le Paris de Haussmann constitue le symbole
d’un pouvoir centralisé, Versailles n’en est-il pas le modèle
par excellence ? Atget refuse de photographier le Paris haussmannien, mais
n’hésite pas à photographier son archétype, Versailles.
Car Versailles représente aussi le paroxysme du baroque et du classicisme
que Haussmann va réutiliser pour aménager le nouveau Paris. En
définitive, plutôt que de dévoiler le Paris moderne, Atget
préfère photographier son origine dans le baroque de Versailles.
Dans les jardins de Versailles, de la même façon qu’à Paris,
Atget s’attarde surtout aux frontières de son sujet. Comme pour
les fortifications, Saint-Cloud ou Sceaux, c’est encore l’arbre
et la végétation en friche des marges qui viennent troubler l’ordre
général des tracés rectilignes.