Les géographes de la deuxième moitié du
XIX
e siècle sont évidemment fascinés
par les ports qui vivent leur apogée. Ils sont encore les portails
obligés
du voyage, des lieux d'évasion habillés de tous les parfums
des ailleurs qui font rêver. On y espère le départ,
on le craint. On s'y console des blessures de la vie dans la fumée
des bouges et les langueurs océanes, comme l'a si bien chanté Brel à propos
d'Amsterdam. Naples est le port de tous les possibles, embrasé du
baiser de feu de son Vésuve. Et pourtant, les vues prises en 1866
de la capitale du royaume des Deux-Siciles ne rendent
pas compte de cette intense activité. Le port a l'air de prendre
la pose. Où est la presse, où sont les embouteillages ? Il
est vrai qu'il est encore difficile à l'époque pour le photographe
de saisir le mouvement.
Vient ensuite l'inépuisable série des ponts. En ce temps-là,
lorsqu'on sortait de chez soi, même pour une journée, on envoyait
des cartes postales à ses proches et si, d'aventure, il y avait un
viaduc de chemin de fer ou un pont sur place, on pouvait en envoyer la photo
et prouver ainsi qu'on l'avait vu et que l'on s'était extasié devant
la prouesse technique qu'il représentait.
Depuis les temps les plus anciens, les ponts ont toujours fasciné, tant
il était difficile et nécessaire de franchir les cours d'eau.
La révolution de l'acier a permis d'échafauder des ponts aux
formes étranges et aux immenses portées en une ou plusieurs volées.
Le Forth Bridge, près d'Édimbourg, est une prouesse
technique inaugurée en 1890. Les ponts du chemin de fer de La Réunion
sont plus modestes, mais Blondel en édifie cent cinquante
tout autour de l'île, en pierre ou en acier, permettant de développer
la culture de la canne à sucre sur une grande échelle. L'ingénieur
se passionne au passage pour la morphologie volcanique et prend plaisir à photographier
les orgues de basalte qu'il rencontre.