Le minuscule ouvre un monde. Penchés sur la façade démontée d’une maison de poupée, nous scrutons attentivement les meubles, les ustensiles, le minuscule décor, nous ne voyons pas le modèle réduit d’un véritable immeuble, nous abordons Lilliput.
La série "Monique’s Kindergarten", qui n’est pas présentée ici, nous aide à réfléchir au rôle du format dans l’esthétique de Kenna. Les images sont faites à la chambre et tirées par contact. Kenna photographie tous les objets d’un jardin d’enfants ; c’est un inventaire de joujoux ordinaires et bien usagés, de bobines, de moulages en cire, de lapins en feutre, de petits vêtements, de paniers… Tout semble minuscule, et nous sommes saisis par la puissance de ces raccourcis de choses. Son vocabulaire plastique y est entièrement présent : les bobines ressemblent aux tours monumentales de la centrale électrique de Ratcliffe, les arbres découpés dans du carton ressemblent aux topiaires de Versailles, les modelages en cire, aux statues des jardins formels, les entassements d’ustensiles aux rouages et aux écrous des "Lace factories" ou aux structures de "The Rouge"…
Tous les objets, quelle que soit leur taille réelle, paraissent avoir la même hauteur. L’imagination miniaturante est au travail, commande à la représentation et se frotte à la réalité des choses.
Comment "le grand sort du petit"
« Les objets familiers deviennent les miniatures d’un monde.» Kenna ne réduit pas le grand au petit dans une visée dialectique simpliste, mais transforme, transpose, transgresse, traduit, trahit les perspectives et les percepts. Naturellement, spontanément, son regard, porté par la profondeur de l’horizon et la solitude de l’éloignement ou des hauteurs, fabrique des miniatures. Les
Skylines, photographiés en série, les gratte-ciel, les moulins à vent ou les moais
se recomposent avec l’univers du jardin d’enfants.