À Majorque, en 1339, Angelino Dulcert insère, sous la forme de vignettes, les images des cités majeures de son temps. Ne se limitant pas aux villes côtières, il figure également celles de l’intérieur des terres : Paris, Rome, Salamanque, Bologne ; les hanséatiques Lübeck et Stettin ; les africaines Fez et Tlemcen ; les caravanières Sidjilmassa (Segelmese) et Tombouctou (Tenbuch). Dulcert ne cherche pas à reproduire la topographie de ces villes lointaines – qu’il n’a sans doute pas visitées –, mais il construit un schéma simple qu’il applique à tous les territoires sous toutes les latitudes. Soleri, mais aussi Cresques, l’auteur présumé de l’
Atlas catalan, et Viladestes
suivent son exemple et symbolisent les ports importants de la Méditerranée, au nord comme au sud, avec Alexandrie, Le Caire (Babilonia), Tripoli, Tunis, Bougie, Alger, Cherchell (Cerceli), Oran, Ceuta, Salé, Azemmur (Zamor).
Entre 1375 et 1550, les auteurs des cartes portulans témoignent de l’importance des cités africaines côtières et subsahariennes. Celles-ci s’imposent alors comme des jalons essentiels dans les circuits commerciaux : elles sont des plaques tournantes où les commerçants génois, vénitiens et aragonais se livrent au trafic de l’or, des hommes, de l’ivoire et du sel avec les commerçants venus d’Afrique noire à dos de chameau. Si l’on met à part l’
Atlas catalan, qui se singularise par la représentation exceptionnelle qu’il offre du continent asiatique, c’est bien l’Afrique qui, parmi les régions du monde extra-européennes, concentre toute l’attention des enlumineurs de portulans : villes, peuples, faune et flore, accidents du relief, cours d’eau et ressources y sont signalés et décrits par force vignettes, pavillons, inscriptions de toponymes et légendes.
Sur les feuilles en parchemin de l’
Atlas catalan, toutes les formes urbaines agglomèrent des bâtiments typiques des fonctions militaire et religieuse, aisément reconnaissables à leur couverture conique sommée d’une croix ou d’un bulbe
selon qu’il s’agit de pays chrétiens ou de contrées païennes ou musulmanes. Les villes sont figurées par une enceinte, qui peut être crénelée, percée de meurtrières et d’une porte d’où jaillit une tour qu’encadrent parfois deux tourelles également crénelées. Celles-ci se dressent d’un seul jet ou se composent de deux ou trois corps circulaires superposés, de taille décroissante, formant des sortes de terrasses successives. Une hiérarchie préside au choix de la forme, de la taille et du nombre de ces symboles selon l’importance de la cité. Pour les cités traversées par des cours d’eau, le symbole est doublé – Chambalech (Pékin) – ou même triplé, comme pour Paris, où deux vignettes identiques sont disposées de part et d’autre de la Seine, tandis qu’au milieu, dans le lit du fleuve, se dresse, en carmin, l’île de la Cité.