Dérisoire, la carte marine, dite aussi « carte portulan » ou tout simplement « portulan » ? Simple, en apparence, et pourtant déjà très compliquée, et d’emblée admirable elle aussi.
On sait que toute carte combine trois éléments : le dessin, l’écriture et la mesure, c’est-à-dire une image, générale ou partielle, du monde, des légendes et instructions, et enfin des quantités mesurables. Le portulan, carte marine sur parchemin, ou plus rarement sur papier, c’est d’abord la toile d’araignée des lignes de rhumb rayonnant à partir de roses des vents qui prolifèrent sur le fond de carte : un schéma abstrait, par conséquent, sur lequel se surimpose le dessin des côtes et se déposent, perpendiculairement à celles-ci, des noms de ports et de havres, de caps et d’îlots. C’est donc, dans son principe, comme le montrent la
Carte pisane ou l’atlas de
Pietro Vesconte, la carte à son degré d’économie maximale, réduite à un réseau de lignes géométriques et à un dessin linéaire qui dédaigne les surfaces, sauf quand elles se réduisent à l’espace exigu et circonscrit des îles, pour ne retenir que les contours, les littoraux, la ligne ondulante ou brisée des plages et des caps ; une carte faite de vides et de silences, analogue aux dessins des lettrés chinois, conjuguant comme eux le trait dessiné et le trait écrit, sur fond de brumes montantes, de blanc envahissant.
Ce système graphique, qui conjuguait roses des vents et lignes de rhumb correspondant aux directions de la boussole, permettait aux marins de s’orienter et de faire le point en reportant sur la carte la distance qu’ils estimaient avoir parcourue dans une direction donnée. La carte portulan offrait de ce fait un catalogue de directions à suivre entre des points remarquables. Elle se passait, à l’origine, de véritable système de projection et ne réclamait qu’une échelle des distances.