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De
l'enfance aux années d'enseignement
De l'enfant solitaire qui ne connut pas son père, bercé
par les livres, élevé par ses grands-parents maternels
et sa mère jusqu'à son remariage, Les
Mots disent l'histoire et la légende.
L'adolescence à La Rochelle est difficile "sous la coupe
d'un polytechnicien", son beau-père, auprès de
camarades violents, qui ont sur lui une influence assez néfaste
pour que ses parents l'envoient continuer ses études
à Paris où il retrouve ses grands-parents, le
lycée Henri IV et Paul
Nizan. Après deux années de préparation
au lycée Louis-le-Grand, les deux camarades intègrent
l'école normale supérieure, en 1924, dans la promotion
de Raymond
Aron.
Pendant ces "quatre années heureuses" Sartre, dont la
vocation profonde est l'écriture, consacre son diplôme
à l'imagination, un des thèmes récurrents
de son œuvre philosophique, et commence un premier roman, Une
défaite, inspiré par sa cousine et confidente,
Simone
Jollivet, modèle du personnage féminin de
La
Nausée, future compagne et collaboratrice de
Charles Dullin. Après un premier échec à
l'agrégation de philosophie, il est reçu major
au concours de 1929 devant Simone
de Beauvoir qu'il a rencontrée en préparant
l'oral et dont la vie ne le séparera plus.
Le "Baladin", libre, individualiste, apolitique, qui souhaitait
être nommé au Japon, commence après dix-huit
mois de service militaire sa carrière universitaire au
lycée du Havre.
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Être Spinoza et Stendhal
C'est en lisant Bergson, qu'en hypokhâgne, Sartre décide
de sa nouvelle vocation : enseigner la philosophie pour
avoir le loisir de se consacrer à l'écriture.
"Cette profession secondaire m'offrirait le monde intérieur
qui serait le sujet même de mes ouvrages littéraires,
la vérité à partir de laquelle je produirais
mes intentions littéraires. Ce fut d'une certaine façon
l'origine de mes écrits qui ont toujours représenté
une synthèse de la matière philosophique et de
la forme littéraire." Très vite, il résume
ses ambitions dans une belle formule : "Vous m'avez dit,
quand nous nous sommes connus : je veux être Spinoza et
Stendhal", lui rappellera en 1974 Simone de Beauvoir, qui déjà
dans les Mémoires d'une jeune fille rangée
explique : " [...] en causant avec Sartre, j'entrevis la richesse
de ce qu'il appelait sa "théorie de la contingence" où
se trouvaient déjà en germe ses idées sur
l'être, l'existence, la nécessité, la liberté.
J'eus l'évidence qu'il écrirait un jour une œuvre
qui compterait [...]. Il aimait autant Stendhal que Spinoza
et se refusait à séparer la philosophie de la
littérature. "Comme Une défaite, refusé
par Gallimard à juste titre, pense-t-il plus tard
, son premier essai philosophique, La légende
de la vérité, sera refusé aussi par
les éditeurs. La Nausée et Le
Mur révéleront le romancier de
talent, La
Transcendance de l'ego et L'Imaginaire,
le philosophe. Après la guerre, L'Être
et le Néant, puis Les
Chemins de la liberté consacreront définitivement
l'un et l'autre.
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De la drôle de guerre à la Libération
"La guerre a vraiment divisé ma vie en deux."
Incorporé le 3 septembre 1939, le soldat Sartre, chargé
des sondages météorologiques, passe ses longs
moments de loisir à lire et à écrire quotidiennement.
Tout en entretenant une abondante correspondance, avec le Castor
notamment, il termine le premier volume des Chemins de la
liberté et, surtout, commence un journal
de guerre. Il remplira quinze carnets de septembre 1939
à mars 1940. Le jour de son anniversaire, le 21 juin
1940, il est fait prisonnier à Baccarat, puis transféré
à Trêves, en Allemagne. Là, au sein d'un
camp de vingt-cinq mille prisonniers, dans le froid et la saleté,
il redécouvre la vie collective qu'il avait aimée
à l'École normale supérieure puis à
l'Institut français de Berlin.
Au Stalag XIII D, Sartre parle de Heidegger à des prêtres
et compose un mystère de Noël, Bariona,
qu'il met lui-même en scène.
Évadé en mars 1941 et revenu à Paris, il
tente de former un réseau de résistance intellectuelle
avec des camarades parmi lesquels Merleau-Ponty
et de jeunes étudiants avec notamment les Desanti,
tout en enseignant à nouveau au lycée Pasteur,
puis à Condorcet jusqu'en juin 1944. Il adhérera
en outre au Centre national des écrivains et collaborera
aux Lettres françaises clandestines.
Son talent d'auteur dramatique se révèle avec
Les
Mouches, mis en scène par Dullin,
puis Huis
clos. Désormais, Sartre fait partie du Tout-Paris
des lettres et des arts : à Saint-Germain-des-Près,
il fréquente Picasso, Leiris
et Camus,
qui l'engage à écrire pour Combat "Un promeneur
dans Paris insurgé" en août 1944 et à faire
une série de reportages en Amérique. |
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