Afrique : la mission Moll
par Antoine Lefébure et Séverine Charon

Cela fait déjà sept ans que le commandant Henri Moll sillonne l’Afrique noire, mandaté par l’État français pour y effectuer des missions ambitieuses. Malgré sa jeunesse – il n’a que trente-quatre ans –, il s’impose comme le candidat idéal pour mener à bien une nouvelle tâche ardue : en 1905, la France et l’Allemagne décident de délimiter précisément la frontière entre leurs colonies respectives, le Congo et le Cameroun. En dix-huit mois, Moll et son homologue allemand Seefried vont donc parcourir vingt mille kilomètres et effectuer des rapports détaillés sur cette région presque inconnue qui attise la curiosité de la métropole.
En novembre 1905, une caravane s’ébranle, nullement intimidée par l’ampleur de la mission. À sa tête, Moll accompagné d’un civil délégué par la Société de géographie et le Muséum, Eugène Brussaux, d’un ancien magistrat colonial, Étienne Muston, et d’un médecin, le Dr Ducasse.
 

Une entreprise coloniale

Chargés de recueillir des informations sur l’organisation économique et sociale de la région, ils s’intéresseront également de près aux coutumes des indigènes. Les appareils photographiques emportés dans leurs bagages se révéleront alors de précieux alliés.
Avec audace, les hommes s’aventurent sur des terres inexplorées, où le danger rôde en permanence. Rien ne les a préparés à affronter les peuplades anthropophages, les marécages infestés, les ravages produits par la mouche tsé-tsé…
Le temps leur paraît souvent long quand il faut traverser des terres inhospitalières, accablées par le soleil, alors que les chameaux n’avancent qu’à quatre ou cinq kilomètres à l’heure. Résolu à ne jamais utiliser les armes, Moll parvient à amadouer les tribus les plus farouches. Un tel respect lui garantit souvent l’accueil chaleureux des peuplades dont il traverse les territoires. La mission effectue ainsi un séjour prolongé chez les Baya. N’ayant jamais vu de Blancs, ces indigènes se montrent d’abord terrifiés, puis ils invitent les Français à entrer dans leurs villages, constitués de huttes rondes coiffées de toits pointus. Parfois, à la lueur des brasiers, ils vont jusqu’à les convier à des spectacles où les danses et les chants s’effectuent au rythme des tam-tam. Au gré des semaines, les jours ne se ressemblent pas et le convoi s’émerveille devant l’incroyable diversité ethnique qui s’offre à eux.


Dans ses écrits, Brussaux ne cache pas sa profonde sympathie pour les Moundan, ces anciens guerriers devenus de pacifiques agriculteurs. Hébergés dans des demeures crénelées, sortes de forteresses, les explorateurs pénètrent dans un monde qui les replonge au cœur du Moyen Âge. Sur des chevaux recouverts de tissus bariolés aux motifs géométriques, des cavaliers organisent des parades équestres. La tête coiffée de casques à plumes, une sagaie à la main, ils évoquent les chevaliers des joutes d’antan. Les Français ne se privent pas de photographier ce peuple chez qui la grâce et la spontanéité rehaussent la beauté des silhouettes.
Progressivement, les enjeux de la mission ont donc évolué ; les nombreux clichés effectués attestent cet intérêt croissant pour l’humain. À son retour, Moll rapporte dans ses bagages une carte détaillée du Congo occidental et de précieux documents. Il constitue plusieurs exemplaires de l’album des photographies de la mission dont un est conservé à la Société de géographie. Présenté dans une somptueuse reliure, un exemplaire en est remis au président Armand Fallières ainsi qu’à l’empereur Guillaume II.
Le 18 avril 1908, un accord est signé à Berlin entre l’Allemagne et la France. Apprécié pour sa diplomatie et son habileté, Moll a le grand plaisir d’être convié à la table des négociations.
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