Quand Jean Chaffanjon revient en France en mai 1885, il vient de passer
un an en Amazonie, à explorer l’Orénoque. Fasciné par
ce fleuve vénézuélien, nullement refroidi par les
périls rencontrés, l’aventurier n’a qu’un
désir : repartir pour poursuivre sa tâche. Il nourrit
l’ambitieux
dessein de découvrir les sources de ce fleuve colossal, vainement
cherchées par Humboldt et ses successeurs. Loin d’être
dissuadé par les abominables légendes qui courent sur ces
lieux, Chaffanjon y voit plutôt un défi qui stimule ses
ardeurs : « Aller aux sources de l’Orénoque,
les gens du pays en parlaient comme d’une folie ou d’une
témérité : c’était s’exposer à ne
jamais revenir, à être mangé ou brûlé, à finir
encore plus tragiquement si possible. ». Dès son retour,
il sollicite donc auprès du ministère de l’Instruction
publique, une mission à la fois géographique et ethnographique
sur le haut Orénoque.
En juin 1886, Chaffanjon se lance sur le fleuve majestueux, déterminé à en
relever soigneusement le cours. Essentiellement fondées sur les
renseignements fournis par les Indiens, les cartes existantes sont approximatives ; il va les corriger. Mais, pour mener à bien cette entreprise,
le moral des hommes va être souvent mis à mal. La navigation
de l’Orénoque se révèle délicate
et dangereuse car c’est la saison des pluies. Les averses continuelles
détrempent le sol et saturent l’air d’exhalaisons
malsaines et d’insectes agressifs. De telles conditions ralentissent
considérablement l’expédition. Un tronçon
effectué en une semaine pendant la saison sèche exige
alors un bon mois. En outre, la brise et les courants sont bien souvent
contraires et il faut parfois descendre dans l’eau jusqu’à la
ceinture pour remorquer le bateau, arrêté par un banc de
sable ou des récifs.
En octobre 1886, la mission doit traverser la redoutable chute de Maipure.
Pendant plus de cinq cents mètres, les embarcations
seront traînées sur la roche, au prix d’efforts surhumains.
Chaffanjon sollicite l’aide des Indiens guahibo qu’il rémunère
avec de l’argent, des couteaux, miroirs et colliers. Les photographies
qu’il prend d’eux seront à l’origine d’un
incident : les Indiens croient que Chaffanjon leur a jeté un sort
grâce à son matériel photographique. Il faudra à l’explorateur
tout son flegme convaincant pour apaiser les indigènes et les
assurer du caractère inoffensif de l’appareil.