La Corne de l’Afrique
par Antoine Lefébure et Séverine Charon

Dans les années 1880, la Corne de l’Afrique fascine explorateurs et géographes. La France a installé à Obock sa colonie la plus pauvre et la plus dépeuplée. Mais beaucoup s’imaginent que cette porte maritime va leur ouvrir les portes des trésors d’or, d’ivoire et d’épices de l’Afrique centrale et du plateau éthiopien. Explorations et missions se succèdent donc sur des terres particulièrement inhospitalières, où subsistent péniblement de rares tribus farouches. Autant d’obstacles qui ne font qu’attiser la curiosité des aventuriers.
 

L'expédition de Jules Borelli

Jules Borelli, l’un des plus célèbres explorateurs de cette région, explique : « Je veux parcourir à mon tour quelques parcelles du monde inexploré ; je veux voir les bouleversements chaotiques sans pareils de la terre africaine, sentir ses chaleurs lourdes et fécondes, connaître les horreurs ou les tristesses de la vie de ses malheureux habitants, esclaves éternels de leurs frères, civilisés ou non civilisés ! »
Ils sont quelques dizaines à sillonner les plateaux désertiques somaliens, à grimper vers les hauts plateaux éthiopiens. Français, Italiens, Allemands et Anglais cartographient la région, pendant que d’autres trafiquent des pierres précieuses et des armes.



Certains photographient, à l’image d’Édouard Joseph Bidault de Glatigné, qui ouvre un studio à Aden. Grand ami de Rimbaud, cet artiste à la vive sensibilité se passionne pour le pays dans lequel il vit et pour sa population. Le 25 février 1887, Rimbaud donne à Borelli des nouvelles de leur ami commun, dont il souligne le tempérament de rêveur : « Je dis bonjour à Bidault de votre part. Il vous salue avec empressement. Il n’a pas encore placé sa collection de photographies du pays, qui est à présent complète. On ne l’a pas rappelé au Choa, ni ailleurs, et il vit dans la contemplation. »
Cette personnalité encline à la passivité a sans doute empêché Bidault de passer à la postérité. Il n’a publié ni ouvrage ni compte rendu de son voyage ; seul un article de Paul Bourde sur l’Abyssinie paru dans L’Illustration en 1889 reproduit en gravure plusieurs de ces merveilleuses photographies, témoins de ses périples et de sa sympathie à l’égard des superbes représentants de ce pays.
 
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