À l’assaut du Grand Nord
par Antoine Lefébure et Séverine Charon

Étudiant à l’université de Princeton, William Libbey profite de ce cadre stimulant et prestigieux pour se joindre à des expéditions scientifiques. C’est ainsi qu’il participe à ses premières missions géologiques, enrichissant les rapports de photographies effectuées sur le terrain. En juillet 1877, il part pour le Colorado faire l’ascension du mont Princeton, où il est chargé de faire des relevés topographiques. En 1878, c’est en tant que photographe qu’il participe à une expédition destinée à observer une éclipse solaire près de Denver. Ces premières expériences suscitent en lui un enthousiasme et une curiosité qui ne se démentiront jamais, le poussant rapidement à élargir son champ d’explorations.
Nommé professeur de géographie physique à Princeton, il continue d’entreprendre des voyages qui le conduiront jusqu’en Alaska. En 1886, il accompagne le lieutenant Schwatka dans une mission montée par le New York Times, dont l’objectif n’effraie pas cet alpiniste aguerri. Il s’agit de gravir le mont Saint-Elias, qui culmine à 5 489 mètres. Situé en Alaska, il est le deuxième plus haut sommet des États-Unis et du Canada, à la frontière du Yukon.



Aux voyageurs fatigués, la baie Yakutat offre bientôt une escale distrayante. À proximité des glaciers, ce lieu attire les pêcheurs et les chasseurs, qui viennent en canoës y vendre le produit de leurs activités. Il se révèle donc un endroit idéal pour y découvrir les traditions séculaires de tribus mal connues. Libbey ne s’y trompe pas et en profite pour effectuer de nombreux clichés à caractère ethnographique. Il faut avouer que les habitants des lieux ont tout pour séduire l’observateur américain. Leur société extrêmement hiérarchisée s’organise en clans, formés de plusieurs familles sur lesquelles règne un chef autoritaire et respecté. Par ailleurs, leur art est reconnu et apprécié. Loin de se contenter du tissage, leurs talents s’expriment surtout dans la sculpture du bois, dans la confection de masques ou de totems riches en symboles. Les membres de l’expédition seront nombreux à rapporter dans leurs bagages de ces objets de belle facture.


Quelques années plus tard, Libbey est toujours sensible à l’appel du Grand Nord. En 1894, il retrouve Peary au Groenland. Résolu à atteindre le pôle Nord, l’officier de marine téméraire tente la traversée de ce territoire désolé. Libbey doit remplir une tâche bien précise : il est le géographe attitré, responsable de l’étude des reliefs. Des raids de reconnaissance sont menés en traîneaux, tandis que les hommes bravent les plus grands froids pour étudier la calotte glaciaire. Les chiens meurent, les Esquimaux rebroussent chemin, les vivres s’épuisent, mais Peary persiste. Libbey s’obstine également : en 1899, il repart avec Peary sur le navire Windward, une mission qui sera encore pour lui l’occasion de rompre avec un quotidien plus ordinaire. Toutefois, l’aventurier n’éclipsera jamais le scientifique puisque Libbey aura toujours à cœur de partager ses expériences et d’enrichir les fonds du musée de géologie et d’archéologie de Princeton dont il devient le conservateur.

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