Les îles
par Antoine Lefébure et Séverine Charon

 

Campagne à Madagascar

Désiré Charnay, déjà connu pour les merveilleux clichés des ruines du Yucatan qu’il rapporte à Paris en 1861, est l’un des pionniers de l’exploration photographique. En 1863, c’est lui que le gouvernement français choisit pour assurer la couverture photographique d’une petite expédition militaire chargée de consolider l’influence française à Madagascar. La mission arrive au moment où son plus précieux allié, le roi Radama II, vient d’être tué par certains de ses ministres, hostiles aux Français. Les navires sont mal accueillis et chaque séjour à terre s’avère délicat.
Cela ne décourage pas Charnay, qui s’enthousiasme pour la diversité des races de Madagascar et la splendeur de ses paysages. Ce sont surtout les arbres gigantesques et les plantes inconnues qui retiennent son attention. Avec sa chambre photographique, il réalise des clichés soigneusement cadrés d’espèces inconnues en Europe. Avec les indigènes, les contacts sont plus difficiles. Les Hovas, l’ethnie dirigeante, se méfient des Français, tandis que Charnay les considère comme des fourbes, manipulés par les Anglais. Et l’explorateur de railler les uniformes dépareillés de leurs officiers et leur goût immodéré pour la bonne chère et l’alcool.

Madagascar se révèle néanmoins un lieu enchanteur, que le photographe parcourt en tacon, cette chaise à porteur qui nécessite quatre personnes. Ce mode de déplacement est le seul dans une contrée où il n’existe pas de route véritable, la pirogue servant à visiter les villes côtières. Certains autochtones se montrent plus chaleureux avec les Français et Charnay évoque d’agréables conversations avec une princesse hova cultivée. Il raconte aussi avec amusement les séances de pose avec les belles de l’île, qui profitent de l’occasion pour rivaliser d’élégance.
C’est pourtant sans regrets que l’explorateur quitte Madagascar après une ultime visite au marché de la capitale : « Vous abandonnez ce foyer pestilentiel, le cœur malade, l’imagination frappée de malaise, plein de dégoût pour cette race abâtardie des Hovas qu’on vous avait dépeinte sous de si vives couleurs. » ("Madagascar à vol d’oiseau en 1862", Le Tour du monde, n° 10, 1864.)
 

Découverte de la Nouvelle-Calédonie

Ernest Robin, grand explorateur photographe de la Nouvelle-Calédonie, n’est pas un photographe de circonstances. Né au Havre en 1844, il s’installe à vingt-deux ans sur l’archipel avec la ferme intention de gagner sa vie en tant que photographe professionnel. Afin de se constituer un catalogue original d’épreuves, il multiplie les expéditions vers le Nord calédonien, puis vers le Sud, à l’île des Pins, avant d’effectuer le tour complet du pays, en trois mois. Il en rapporte des clichés pleins de beauté et d’intérêt, fournissant une étude détaillée des conditions de vie et des mœurs propres aux tribus inconnues de la côte. Trop en avance sur son temps, Robin ne connaît pas le succès commercial, malgré tous ses efforts. Seuls quelques dizaines de clichés seront vendus.
En 1868, il se voit contraint d’intégrer l’administration coloniale, au sein de laquelle il continue les voyages et les travaux photographiques. Sa carrière se termine modestement à la recette des impôts du Havre. Désireux de préserver les souvenirs d’une ambition déçue, il permet à la Société de géographie, en 1889, de faire un tirage de ses plaques originales pour ses collections.

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