On connaît en tout vingt centres de fabrication de cartes portulans en Méditerranée aux XVI
e et XVII
e siècles. Huit d’entre eux présentent une riche production, qui renvoie à la présence stable et prolongée dans le temps d’un ou plusieurs ateliers professionnels. Les douze
2 autres centres n’ont été, semble-t-il, que des lieux occasionnels de cette activité. Caractéristique importante de la période, les cartographes montrent une remarquable mobilité, se déplaçant d’un port à l’autre, sans doute à la recherche de meilleurs débouchés ou de conditions de travail plus favorables. Certaines politiques locales, plus ouvertes, étaient propices à l’accueil des étrangers qui apportaient des énergies et connaissances nouvelles, par exemple à Venise, Livourne et Marseille. À Gênes, au contraire, le véritable monopole de la famille Maggiolo, amorcé en 1519 et perpétué pendant cent trente ans, empêcha l’arrivée de cartographes étrangers et obligea des cartographes génois comme Battista Agnese et Giovanni Battista Cavallini à émigrer pour exercer leur activité
Parmi les centres les plus productifs, certains étaient déjà actifs au Moyen Âge : Palma de Majorque, Gênes, Venise et Ancône. À Majorque, la cartographie marine entra au début du XVI
e siècle dans une phase de décadence, mais elle connut une deuxième floraison hors de l’île grâce à la famille Olives, qui essaima dans les autres ports de la Méditerranée. La souche de cette véritable dynastie est Bartomeu Olives, qui quitta Palma pour s’installer à Venise, puis à Messine et à Palerme. On compte au moins treize cartographes issus de cette famille : en Italie ils changèrent leur nom en Oliva et à Marseille en Ollive. À Venise, bien que la carte géographique ait toujours été tenue pour un instrument de contrôle et de gestion du territoire par les différentes magistratures, on ne semble pourtant pas s’être beaucoup préoccupé des cartes portulans, si importantes pour le commerce et la navigation. Leur production, laissée totalement à l’initiative privée, restait en grande partie aux mains d’étrangers, comme le Génois Battista Agnese, déjà cité, et les Grecs Johannes Xenodocos, Antonio Millo et Giorgio Sideri, dit le Callapoda. À Ancône, la production de cartes portulans ne dura pas longtemps : dans la seconde moitié du XV
e siècle, après avoir travaillé à Gênes, Venise et Rome, Grazioso Benincasa, sans doute le cartographe le plus important de son époque, retourna s’établir à Ancône, sa ville natale, où il exerça sa profession de cartographe, suivi par son fils Andrea et par les Freducci père et fils, Conte et Angelo ; la demande locale semble néanmoins avoir été très réduite et toute production cessa au milieu du XVI
e siècle. À Gênes, où la production se concentra, comme on l’a vu, entre les mains d’une seule famille, les Maggiolo, la demande en cartes portulans paraît s’être épuisée totalement au XVII
e siècle, probablement du fait du manque d’innovation.