Afrique : vers le fleuve Niger
par Antoine Lefébure et Séverine Charon

Fondé en 1636 sur la côte du Sénégal, le comptoir de Saint-Louis fut le point de départ des explorations françaises de l’Afrique centrale. Faidherbe, nommé gouverneur du Sénégal en 1854, cherche à étendre l’influence de la France au Soudan. En 1879, le capitaine Gallieni est chargé d’étudier la construction d’une voie de chemin de fer afin de relier le Sénégal au fleuve Niger. Il s’agit d’un projet de grande envergure : en plus d’explorer des régions dangereuses et totalement inconnues, les Français veulent établir des liens amicaux avec les autochtones, effectuer des relais topographiques et installer des fortins sur le futur tracé de la voie.
Le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes, polytechnicien de l’artillerie de marine, se voit confier en 1880 la lourde mission de mener cette exploration stratégique. Il n’ignore pas qu’un convoi de Gallieni a été récemment attaqué par une tribu bambara et que des groupes musulmans sont déterminés à ne pas les laisser passer. Pourtant, cela ne le rebute guère, pas plus que les fièvres qui affaiblissent les Blancs et menacent leur santé.
 

L'expédition de Borgnis-Desbordes

Au cours de la deuxième expédition menée par Borgnis-Desbordes, des photographies prises par le capitaine Delanneau visent à une connaissance approfondie des principaux groupes ethniques des régions traversées. Menée en 1881-1882, cette mission doit atteindre Bamako après avoir ravitaillé les postes intermédiaires de Bafoulabé et Kita. Sur la route, des accrochages ont lieu avec les troupes de Samory, chef de guerre et prophète. Heureusement, les explorateurs bénéficient du soutien des ennemis de Samory, les confédérations malinké, qui leur envoient des guerriers « grands et beaux hommes couverts d’amulettes, armés jusqu’aux dents, coiffés de vastes chapeaux à panache et d’un aspect vraiment redoutable » (Jacques Méniaud, Les Pionniers du Soudan, Paris, S. P. M., 1931).


Malgré cet appui, la colonne n’arrivera pas à bon port. Les militaires comme les missions topographique et télégraphique sont bloqués par les cavaliers de Samory et contraints à faire demi-tour. Ce n’est que lors d’une troisième tentative, en février 1883, que l’expédition atteint Bamako. Grâce à l’aide de Karamoko, chef des Maures de la ville, l’expédition peut construire un fortin où les Français reçoivent ce message émanant du chef musulman, Mountaga : « À l’incirconcis, fils de l’incirconcis, colonel Desbordes. Que Dieu confonde et fasse périr tes partisans. Il n’est personne de plus malfaiteur, plus traître, plus mauvais que toi. Tu dis que tu veux seulement faire une route commerciale. C’est faux et contraire au bon sens et à la raison. Ton désir est de détruire le pays, fermer les routes et faire la guerre aux Croyants. Tu seras le dernier… Plus d’envoyés, de correspondance ni d’amitié entre nous. Adresse-toi à l’Émir des Croyants, Ahmadou. Sa guerre est la nôtre. Sa paix est la nôtre. »
Sourds à ces menaces, les Français continuent de progresser et parviennent à leurs objectifs. Les cartes, plans de villages, documents photographiques et ethnographiques, donnent enfin de précieux renseignements sur une région jusque-là inexplorée. Le fleuve Niger s’ouvre désormais aux Européens.
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