En 1434, après plusieurs tentatives infructueuses effectuées pendant treize ans par divers navigateurs au service du prince Henri de Portugal, Gil Eanes réussit enfin à franchir le cap Bojador (actuel cap Boujdour). Bien des dangers et des obstacles étaient alors associés à ces eaux côtières faisant face aux îles Canaries : bancs de sable apparaissant à grande distance de la terre, forts courants de sud qui empêchaient les navires de revenir en arrière, sols arides où aucune forme de vie ne pouvait exister, sans parler des monstres marins qui, dans l’imagination des pilotes, peuplaient la mer des Ténèbres. Selon un adage rapporté par Alvise Cadamosto, un navigateur vénitien au service du prince Henri, « celui qui franchira le cap Non en reviendra ou non
1 ». Pourtant, la plupart de ces craintes n’étaient pas fondées et il finit par devenir clair que le franchissement du cap Bojador ne présentait aucune difficulté extraordinaire. Au contraire, l’avancée des navires vers le sud était facilitée par les alizés, soufflant du nord-est et par le courant des Canaries, parallèle à la côte africaine. Le vrai problème était de revenir, en naviguant contre ces mêmes éléments.
À l’époque où Gil Eanes franchit le cap Bojador, les navires utilisés pour les voyages d’exploration ne pouvaient guère avancer contre le vent. Cette contrainte rendait les retours longs et ardus, et il était parfois nécessaire de recourir à la rame pour remonter vers le nord. L’apparition des caravelles, équipées de voiles latines et capables de remonter au vent plus efficacement, marqua un progrès significatif. Par ailleurs, une meilleure connaissance du régime des vents et des courants dans cette partie du monde permit aux pilotes de comprendre qu’il valait mieux revenir en s’éloignant de la côte africaine, pour éviter le courant des Canaries et les vents de nord-est, au prix d’un long détour vers l’ouest par la mer des Sargasses jusqu’à la latitude des Açores, avant de se diriger vers la côte du Portugal. Cette voie océanique, utilisée à partir de 1450 environ et appelée « tournant de Guinée » (
volta da Guiné), contribua grandement à la réussite des voyages d’exploration le long des côtes africaines. Un problème d’une autre nature devait néanmoins être encore résolu avant que cette solution puisse être adoptée de manière sûre et efficace.
Les limites du « point de fantaisie »