Une grande partie du savoir géographique médiéval sur l’océan Indien provient d’un héritage dont les racines, communes en partie au monde latin et au monde arabe, remontaient à l’Antiquité gréco-romaine. L’épopée d’
Alexandre le Grand (au IV
e siècle avant l’ère chrétienne) trouva un écho durable et profond dans la littérature et les descriptions géographiques en Orient comme en Occident. Ce savoir antique sur l’Orient fut intégré aux géographies latines classiques de Pomponius Mela et de Pline, associé aux périples plus récents vers les côtes de l’Inde, comme le
Périple de la mer Érythrée, puis résumé, filtré par les compilateurs latins de l’Antiquité tardive : Macrobe, Martianus Capella, Solin, Orose, Isidore de Séville. D’autre part, la cartographie grecque avait culminé à Alexandrie au II
e siècle après Jésus-Christ dans l’œuvre de Ptolémée. Ses traités de mathématique et d’étude des astres, l’
Almageste et la
Tétrabible, avaient été complétés par une
Géographie qui discutait des mesures de la sphère terrestre et fournissait les coordonnées en latitude et en longitude d’un grand nombre de localités de l’œkoumène, ainsi que la manière de les disposer sur une mappemonde et sur des cartes régionales. Au cours des premiers siècles de l’islam (VII
e et VIII
e siècles), des savants, pour la plupart syriaques, entreprirent de traduire et d’adapter en arabe les principaux éléments de ce précieux savoir. La géographie littéraire et scientifique, florissante au IX
e siècle à Bagdad, à la cour des califes abbassides, s’inspirait en partie de Ptolémée, alors qu’en Occident à la même époque, l’œuvre n’était connue de réputation que par quelques rares érudits et le texte en était introuvable.
L’héritage antique se décline ainsi différemment en Occident et en Orient. Quand en Europe on s’interroge sur l’habitabilité de la zone équatoriale et le caractère navigable de l’océan Indien, en revanche, dans le monde islamique, sous la dynastie des Abbassides, cet océan est connu et fréquenté dans sa partie occidentale, au débouché de la mer Rouge et du golfe Persique, mais aussi vers la côte africaine et même jusqu’en Chine.