Égarement
de la raison par les sciences incertaines "
Il nest que trop vrai ! Depuis
vingt-cinq siècles quexistent les sciences politiques et morales, elles nont
rien fait pour le bonheur de lhumanité ; elles nont servi quà
augmenter la malice humaine, en raison du perfectionnement des sciences réformatrices ;
elles nont abouti quà perpétuer lindigence et les perfidies,
quà reproduire les mêmes fléaux sous diverses formes. Après tant dessais
infructueux pour améliorer lordre social, il ne reste aux philosophes que la
confusion et le désespoir. Le problème du bonheur public est un écueil insurmontable
pour eux, et le seul aspect des indigents qui remplissent les cités ne montre-t-il pas
que les torrents de lumières philosophiques ne sont que des torrents de ténèbres ?....
Cependant une inquiétude universelle atteste que le genre humain nest point encore
arrivé au but où la nature veut le conduire, et cette inquiétude semble nous présager
quelque grand événement qui changera notre sort. Les nations, harassées par le malheur,
sattachent avidement à toute rêverie politique ou religieuse qui leur fait
entrevoir une lueur de bien-être; elles ressemblent à un malade désespéré qui compte
sur une miraculeuse guérison. Il semble que la nature souffle à loreille du genre
humain quil est réservé à un bonheur dont il ignore les routes, et quune
découverte merveilleuse viendra tout à coup dissiper les ténèbres de la civilisation.Charles Fourier, Théorie
des quatre mouvements et des destinées générales;
3e éd., 1846 (1re éd., 1808), pp. 15-16, Dicours préliminaire, IV,
" Égarement de la raison par les sciences incertaines " |